Plan de relance en Allemagne #1 : Infrastructures

02.07.2025

Relancer la croissance et restaurer la compétitivité du pays, ce sont les objectifs de la coalition politique en place en Allemagne. Une feuille de route a été présentée avec de nombreux investissements. Décryptage en 3 volets sur notre Blog.
1er épisode : le secteur des infrastructures.

Contexte économique

Après deux années consécutives de récession, l’économie allemande entre en 2025 avec une ambition claire : relancer la croissance et restaurer la compétitivité. La nouvelle coalition CDU/CSU – SPD a présenté en avril un programme intitulé « Responsabilité pour l’Allemagne », qui fait office de véritable plan de relance.

Parmi les grandes mesures envisagées, on peut citer une hausse massive de l’investissement public dans les infrastructures et la Défense, une réduction des taxes qui pèsent sur les entreprises, ou encore de gros efforts de simplification administrative.

Quelles mesures concrètes ont été adoptées ? Et quelles opportunités pour les entreprises françaises dans les années à venir ? Décryptage en 3 volets sur notre blog.

500 milliards d'euros sur 12 ans

Avec un plan d’investissement exceptionnel de 500 milliards d’euros, le nouveau gouvernement allemand place les infrastructures au cœur de sa stratégie de relance économique. Réseaux ferroviaires, routes, ponts, bâtiments publics, télécommunications, data centers : tous les segments sont concernés. Un signal fort pour les entreprises du BTP, de l’ingénierie, du numérique ou encore des énergies vertes.

C’est l’un des piliers du programme de la nouvelle coalition CDU-CSU-SPD : un fonds spécial (Sondervermögen) de 500 milliards d’euros sur 12 ans pour rattraper le retard structurel de l’Allemagne.

Dans cette enveloppe, 100 milliards seront alloués aux Länder et aux communes (écoles, hôpitaux, ponts) et 100 autres seront consacrés à la protection du climat et à la transformation de l’économie dans le respect du climat via le Fonds Climat Transformation (KTF). L’ancien ministre de l’Économie, l’écologiste Robert Habeck, estime que le retard structurel des infrastructures se chiffre « en centaines de milliards d’euros », retard que le nouveau gouvernement compte bien rattraper.

Selon les projections économiques du gouvernement, chaque euro investit pourrait rapporter jusqu’à 3€.

Focus par secteur

Ferroviaire : une priorité nationale

L’Allemagne lance un fonds structurel dédié au rail (Eisenbahninfrastrukturfonds) avec pour objectif de remettre à niveau et numériser massivement un réseau vieillissant. Ce financement doit assurer le renouvellement des voies ferrées centrales sur plusieurs années. Couplé au fonds spécial dédié aux infrastructures, ces deux sources de financement devraient permettre de réduire le retard d’investissement estimé à 110 milliards d’euros dont souffre le réseau ferroviaire fédéral.

Le nouveau gouvernement donne la priorité à la rénovation des grands axes à fort trafic (Hocheistungskorridore) et mise sur l’accessibilité, la réduction du bruit, et la modernisation des gares.

Parallèlement, la digitalisation massive du secteur ferroviaire bénéficie maintenant d’une garantie pluriannuelle de financement pour permettre la généralisation du système ETCS (signalisation numérique européenne), le déploiement de postes d’aiguillage numériques (Digitale Stellwerke) et l’électrification accélérée, même sur des lignes secondaires.

Routes & Ponts : la fin des rustines

Le gouvernement met fin à la logique du « colmatage » ponctuel. Ponts, tunnels et chaussées en mauvais état feront l’objet d’un programme de rénovation structuré, notamment via la mise en place d’un plan de résorption du retard de rénovation, Les sources de financement prévues à cet effet sont le budget fédéral, les recettes des péages des poids lourds (Lkw-Maut) et le capital privé (via PPP limités). L’Autobahn GmbH, la société chargée de la planification, de la construction, de l’exploitation, de l’entretien des autoroutes et des grands axes routiers en Allemagne, profitera quant à elle d’une capacité d’endettement encadrée et de l’accès à ses propres recettes.

Numérique : fibre, data centers et edge computing

L’Allemagne affiche une ambition claire : devenir leader européen des data centers et de la connectivité. Pour parvenir à cet objectif, la nouvelle coalition mise sur le déploiement du FTTH (fibre jusqu’au domicile) dans toute l’Allemagne, avec le principe : « Markt vor Staat » (priorité au privé, sauf en zones blanches), le maintien de la MIG (Mobilfunkinfrastrukturgesellschaft) pour finaliser l’installation des réseaux mobiles 4G/5G en zones rurales et la simplification administrative grâce au statut « d’intérêt public majeur » pour le numérique.

De plus, des objectifs ambitieux sont fixés pour les data centers. Parmi les mesures phares : la création d’au moins une AI-Gigafactory, le déploiement d’edge computing, la récupération de chaleur pour l’injection dans les réseaux de chaleur ainsi que l’assouplissement des normes techniques et l’accélération des permis.

Bâtiments publics et génie civil : simplification des normes et généralisation du BIM

Parmi les différentes mesures annoncées, on retrouve :

  • Un soutien fiscal en faveur de la rénovation, de la construction et de l’accès à la propriété.
  • Le doublement progressif des crédits d’urbanisme (Städtebauförderung) pour les villes de moins de 100.000 habitants
  • La simplification des normes de construction et la réduction des délais de planification
  • La création d’un Centre de recherche fédéral sur la construction neutre en carbone dans la ville de Halle

Par ailleurs, le gouvernement veut généraliser l’utilisation du BIM pour tous les projets de construction fédéraux. Le Building Information Modeling, outil de numérisation intégrale des processus de construction et de simplification des normes, existe déjà mais sans cadre fédéral ni centre de recherche. L’approche devient désormais structurelle et fédérée.

Ports, canaux et logistique : l’Allemagne regarde vers la mer

Un plan national pour les ports maritimes et fluviaux est mis en place, en lien avec la stratégie énergétique et militaire. L’objectif est de soutenir le transport intermodal et de développer les chaînes logistiques résilientes pour répondre aux enjeux énergétiques et géopolitiques actuels. La coalition noire-rouge annonce également mettre en œuvre un plan de financement spécifique pour canaux, écluses, ports fluviaux et maritimes, avec une planification à long terme et des garanties de financement afin de transformer les ports fédéraux dans le cadre de la Stratégie Nationale Portuaire qui vise à renforcer l’automatisation et la compétitivité des infrastructures portuaires.

En résumé, les principales évolutions des politiques publiques en matière d’infrastructures :

DOMAINE COALITION PRÉCÉDENTE COALITION 2025
FERROVIAIRE Digitalisation ETCS sur certains corridors prioritaires, sans fonds dédié Création d’un fonds légalement garanti et de plans pluriannuels
ROUTES Focus ponctuel sur les autoroutes, peu de moyens hors budget classique Plan d’investissement massif sur ponts/tunnels, financement structurel via les péages
PORTS & CANAUX Peu de coordination stratégique Planification et stratégie nationale portuaire
NUMÉRIQUE FTTH prévu mais freiné par des lenteurs locales Accélération via une loi spéciale et le statut d’intérêt public
DATA CENTERS Orientation vague sur le cloud Politique volontariste sur les data centers verts et edge computing
BATIMENT BIM mentionné, mais pas généralisé Déploiement systématique et accompagnement en recherche

Pourquoi les entreprises françaises doivent se positionner dès maintenant :

La combinaison entre volontarisme politique, financements massifs et réformes structurelles fait de l’Allemagne un terrain d’opportunités inédit pour les PME du secteur des infrastructures.

Le plan de relance allemand avec son paquet de plusieurs centaines de milliards d’euros ouvre la porte à de nombreux projets sur lesquels les entreprises françaises ont tout intérêt à se positionner :

  • en identifiant les appels à projets dans les Länder ou chez les maîtres d’ouvrage (DB Netz, Autobahn GmbH, Infrago, MIG…),
  • en participant aux marchés publics allemands via les plateformes dédiées et les portails régionaux,
  • en créant des structures locales ou des partenariats franco-allemands pour augmenter ses chances d’atteindre ces marchés publics,
  • en profitant de la dynamique autour du numérique et de l’écoconstruction, l’ingénierie low-carbon ou les services BIM (domaines où l’expertise française est reconnue).

Vous êtes dans le secteur des infrastructures ? Profitez dès à présent du plan de relance allemand !

Nos équipes de CCI France Allemagne et sa filiale Strategy & Action International vous accompagnent avec des solutions sur mesure !

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