graphique bleu symbole de Export en Allemagne

Développer son ancrage en Europe : quels avantages à l’implantation et la croissance externe ?

03.07.2020
Interview de Frédéric Berner, DG CCI France Allemagne, par Bpifrance.

L’Allemagne reste de loin le premier partenaire commercial de la France, c’est un partenaire stratégique pour toute PME ou ETI française qui se lance à l’export ou qui veut renforcer son internationalisation.

L’Allemagne est notre premier client avec 14 % de nos exportations, le second client étant les USA avec 8 %, presque 2x moins. Elle est notre premier fournisseur avec 15 % de nos importations, le second fournisseur étant la Chine avec 9,5 %.

La crise que nous vivons, qui est aussi en quelque sorte une crise de la mondialisation et du constat de dépendance dangereuse de nos états vis-à-vis d’économies lointaines, va certainement nous amener à renforcer encore davantage nos liens avec les pays européens et l’Allemagne en particulier dans une logique de relocalisation et de réduction des risques.

Cela dit, le marché allemand n’est pas réputé facile car mature, un fournisseur en chasse un autre, très compétitif avec une forte industrie donc une clientèle locale abondante, mais également de facto une très forte concurrence et doté des processus organisationnels et décisionnels souvent très différents de ceux pratiqués en France.

Il est donc primordial, si l’on veut y percer, de comprendre le marché avant d’agir, d’adapter son marketing et d’adopter ses codes.

Tout ceci n’est pas nécessairement facile à faire à distance, dans une logique d’export.

Mais si l’on comprend bien l’intérêt d’une implantation commerciale, voire industrielle locale dans des destinations lointaines, avec des fuseaux horaires, des lois et des mœurs différents, on n’imagine pas nécessairement l’intérêt de le faire avec un pays voisin, qui plus est dans l’UE.

Or, il y a en Allemagne quelques 5 000 établissements dont le propriétaire final est en France. Il ne peut donc pas y avoir 5 000 investisseurs français qui se trompent !

Et en effet, il subsiste quelques différences comptables, fiscales et sociales qui à elles seules peuvent justifier de s’implanter localement pour gérer ses affaires avec l’Allemagne.

Pour ne citer que deux aspects très parlants :

  1. L’impôt sur les sociétés n’est en Allemagne que de 15 %, auxquels s’ajoutent 14 à 16 % de taxe professionnelle, dont l’assiette est aussi le bénéfice, donc il y a en Allemagne une quasi-absence d’impôt dit « de production » qui surviennent avant même d’avoir fait des bénéfices,
  2. Les charges sociales patronales sont de l’ordre de 20 à 22 %, contre 45 % en France et qui plus est, elles sont plafonnées à environ 13 500 EUR annuels par salarié.

Mais à côté de ces aspects techniques, ce que nous voyons c’est que la motivation de la plupart des entrepreneurs français qui s’implantent commercialement en Allemagne vient du formidable booster de business que cela va représenter dans la plupart des cas.

S’implanter c’est dire à son client : « je me rapproche de toi, je me rends disponible, je parle ta langue, je comprends tes besoins, tes envies, je règle les problèmes rapidement… », bref « je suis un des tiens » et « j’ai l’intention du durer sur ce marché ».

Ces mêmes raisons vont également être utiles sur le plan des ressources humaines. Espérer débaucher un talent, bien installé dans une belle PME allemande, pour qu’il rejoigne une aventure qui démarre avec un employeur français, ce n’est pas impossible ni juridiquement, ni socialement, mais cela reste extrêmement difficile.

Les allemands ont besoin d’être mis en confiance et l’implantation locale participe de cette mise en confiance.

Donc, on le voit, l’implantation classique est une stratégie payante.

Elle n’est cependant pas toujours la plus adaptée. Amener une filiale commerciale au point d’équilibre prend souvent 2 à 3 ans, constituer des équipes dans un pays ou avant la crise le taux de chômage était inférieur à 5 %, n’est pas nécessairement aisé non plus.

Une façon d’accélérer l’histoire peut-être la croissance externe.

En Allemagne, la matière est théoriquement là puisque, indépendamment des opportunités qui pourront naitre de la crise auprès de certaines entreprises fragilisées qui seront éventuellement à la recherche d’un nouveau souffle capitalistique, on estime à 511 000 les entreprises qui devront gérer leur problématique de succession d’ici 2025. 1,4 millions de patrons propriétaires en Allemagne ont plus de 55 ans !

Mais, le taux de transmission intrafamiliale est de 56 % outre-Rhin, il n’est que de 17 % dans l’Hexagone ! Il a une explication culturelle, de cette PME familiale allemande et du souci de « pérennisation de l’œuvre » qui anime beaucoup d’entrepreneurs allemands, empreints de « corporate social responsibility », mais il y aussi la fiscalité allemande, très favorable à la transmission familiale.

Il y a donc bien souvent dans une branche donnée beaucoup moins de mandats vendeurs en Allemagne qu’en France, entrainant des surenchères et augmentant les risques de devoir acheter « die Katze im Sack » (traduit littéralement « acheter le chat dans le sac » autrement dit sans que l’on sache vraiment ce qu’il y a dans le sac…).

Dans ce contexte, plutôt que de se contenter de l’approche de cibles en « état de vente déclaré », la recommandation c’est de définir le profil des cibles idéales en termes de couples produits/marchés et d’engager un contact avec le maximum d’entre elles par une démarche proactive, dans un contexte plus serein et constructif que si l’on avait affaire à des cibles déjà vendeuses.

Cela dit pour éveiller l’attention de propriétaires non-encore activement vendeurs il faudra prévoir une argumentation reposant sur les meilleures synergies et sur un projet mettant au mieux en exergue les complémentarités et les bénéfices attendus d’une alliance enrichissante pour chaque partie, sur les plans technologiques, industriels, opérationnels et/ou commerciaux.

La discussion pourra ne pas prendre immédiatement une tournure capitalistique, mais pourra permettre, par l’engagement d’une coopération, la création d’une JV ou la prise de participations minoritaires avec un planning de montée progressive en capital avant d’engager le chemin d’une prise de contrôle à terme.

La situation idéale, pour maximiser les conditions de réussite d’une opération de croissance externe en Allemagne va consister à sceller un deal avec une entreprise positionnée sur une clientèle cible en parfaite adéquation avec celle de l’acquéreur sur une activité strictement complémentaire (donc non-concurrente), mais suffisamment proche pour que chaque partie puisse assurer la commercialisation et le service client de l’offre de l’autre sur son territoire. Ainsi on pourra, ambitionner les meilleurs apports de cross et d’up-selling, voire faire de la société rachetée le « champion » de son savoir-faire pour l’ensemble du groupe, ce qui constitue le meilleur gage de pérennité et de projection dans l’avenir des salariés.

 

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